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Décarbonation de l’industrie : les enjeux et solutions

Comment adresser l’enjeu de décarbonation dans votre entreprise industrielle ?

1 février 2024

La décarbonation de l’industrie est plus que jamais au centre des questionnements et des débats. Alors que de nouveaux dispositifs de financement ont vu le jour en 2020 pour encourager l’émergence et la réalisation de projets de décarbonation ainsi que l’innovation dans le secteur industriel, le prix de la tonne de carbone a atteint en 2022, puis en 2023, des niveaux records.

Quels sont les enjeux de la décarbonation de l’industrie ? Comment mettre en place des actions gagnantes pour améliorer votre empreinte carbone et votre compétitivité en anticipant l’agenda réglementaire ? Le point sur vos questions…

Qu'est-ce que la décarbonation de l'industrie ?

La décarbonation consiste à remplacer des énergies fossiles très émettrices de CO2 (pétrole, charbon ou gaz) par des énergies renouvelables (éolien, hydraulique, biomasse, solaire, etc.) ou non carbonées (nucléaire). Face aux effets du dérèglement climatique, la décarbonation de l’industrie est un enjeu environnemental, écologique et sociétal fort. Et c’est en plus un formidable levier de performance et de compétitivité pour les entreprises.

Pour décarboner votre site, plusieurs pistes peuvent être explorées, comme la modernisation de vos équipements, l’amélioration de vos outils de production ou les investissements dans de nouvelles technologies. En identifiant, puis en réalisant des actions de décarbonation, vous améliorez l’efficacité énergétique de vos sites industriels, faites une économie substantielle sur votre facture énergétique et réduisez vos émissions de gaz à effet de serre.

Sans oublier que l’amélioration de l’empreinte environnementale est un facteur de motivation pour les parties prenantes de votre entreprise (clients, collaborateurs, partenaires…) qui expriment des attentes de plus en plus fortes en la matière.

Quels sont les enjeux de la décarbonation de l'industrie ?

Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) est l’un des principaux défis pour tenir l’un des objectifs de l’Accord de Paris, à savoir maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2 degrés. La France, malgré les différentes politiques environnementales et la baisse de ses GES (-20 % entre 1990 et 2019) [1], est déjà fortement impactée par le réchauffement climatique puisqu’elle connaît une hausse des températures de 1,8 °C (comparaison entre la période 1961-1990 et 2019) [2].

Pour atteindre les objectifs de la SNBC et mettre en œuvre la transition vers une économie bas carbone et durable, le secteur industriel devra réduire ses émissions de GES de 81 % à l’horizon 2050, par rapport à 2015 [3]. Les entreprises du secteur industriel, qui pèsent pour 18 % des émissions de GES du pays, représentent un levier de décarbonation conséquent et leur action sera primordiale pour tenir cet agenda.

Outre l’enjeu écologique, la décarbonation de l’industrie est également une source de valeur pour les entreprises. Grâce à des installations et des technologies plus performantes, elles réaliseront une économie substantielle sur la facture énergétique qui pèse sur le coût de production des produits ou services. Les investissements réalisés, qui peuvent faire l’objet d’aides financières via le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie ou les appels à projets du plan France 2030, se révèlent donc rentables pour les entreprises.

Enfin, les attentes de la société civile sont de plus en plus fortes en matière d’action climatique. Le recadrage en mai 2021 de deux majors pétrolières - Shell et ExxonMobil - pour leur absence d’actions en vue de décarboner leurs activités [4] en est d’ailleurs une parfaite illustration.

Les entreprises sont donc encouragées à mesurer et améliorer leur empreinte carbone. Certaines filières industrielles françaises, comme celles de la chimie ou de celle du ciment, ont ainsi publié leur feuille de route vers la décarbonation. D’autres entreprises, sans être soumises au système EU-ETS, décident encore d’instaurer un prix interne du carbone dans l’objectif d’accélérer leur transition énergétique. La publication « Prix interne du carbone, une pratique montante en entreprise » d’I4CE, Institute for Climate Economics, décrypte cette pratique.

Alors que le coût de la tonne de CO₂ est historiquement élevé, que la suppression des quotas gratuits d'émission de GES se rapproche et que la sensibilité aux problématiques environnementales se développe, le moment est opportun pour mettre en place la stratégie qui conduira à l’amélioration de l’empreinte carbone de votre entreprise. La décarbonation industrielle devient une priorité !

[Actualité réglementaire] Aide à la décarbonation des industries

Doté de 54 milliards d’euros sur 5 ans, France 2030 est un plan d’investissement initié par les pouvoirs publics et opéré par l’ADEME pour développer la compétitivité industrielle, l’innovation et les technologies d’avenir.

Dans son volet « Mieux produire », il consacre des investissements à hauteur de 5 milliards d'euros aux projets de décarbonation des sites industriels, notamment via les appels à projets "DECARB IND" et "DECARB IND+", clôturés en décembre 2023. L’agenda pour les appels à projets 2024 sera communiqué prochainement…

Retrouvez dans ce guide le montant des aides pour les projets éligibles en 2023, la marche à suivre pour établir votre dossier et le système de notation alors retenu pour obtenir vos financements.

comment passer à l'action et définir une stratégie gagnante ?

Plusieurs solutions existent pour décarboner votre entreprise industrielle.

 

#1 - Calculez votre empreinte carbone

La première étape dans votre projet de décarbonation industrielle consiste à mesurer votre empreinte carbone grâce à un Bilan des Émissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES) ou un Bilan Carbone®. Ce bilan vous permettra d’identifier les gaz à effet de serre émis de manière directe ou indirecte par votre entreprise pour réduire son empreinte carbone, et les actions les plus intéressantes à mener par la suite.

Quelle est la différence entre ces deux bilans ? Jusqu’à présent, le périmètre du Bilan Carbone® était plus étendu que celui du BEGES, puisqu’il comprenait l’analyse de l’ensemble des 3 scopes ci-dessous, alors que le BEGES se concentrait sur les scopes 1 et 2. Cependant, un décret publié en juillet 2022 élargit le périmètre du BEGES.

Scope 1

Il concerne les émissions directes de GES liées à votre activité, induites par la combustion d’énergies fossiles (par exemple : chaudière).

chaudière
Scope 2

Il rassemble des émissions indirectes de GES liées l’achat ou à la production d’énergie, sous forme d’électricité ou de chaleur (par exemple : consommation d’électricité).

Scope 3

C’est le plus large, puisqu’il inclut toutes les émissions indirectes, c’est-à-dire qui ne sont pas directement générées par l’entreprise faisant l’objet du bilan (par exemple : déplacement des collaborateurs du domicile jusqu’au lieu de travail, émissions liées à l’utilisation de vos produits et services par les clients, etc.).

L‘actualité du BEGES évolue

Depuis le 13 juillet 2011, les entreprises de plus de 500 salariés ayant leur siège social en France métropolitaine ont désormais l’obligation de réaliser un BEGES tous les 4 ans. Un décret signé le 1er juillet 2022 par la ministre de la Transition énergétique étend le périmètre de l’obligation pour inclure le scope 3 dès 2023. Avec cette évolution, le gouvernement souhaite que les entreprises aient une vision plus complète de leur empreinte climatique afin de pouvoir agir avec une plus grande efficacité.

Sont concernées par l’extension de cette obligation :

  • Les sociétés cotées en bourse dont le bilan est supérieur à 20 M€ou le montant net de leur chiffre d’affaires supérieur à 40 M€, et si par ailleurs elles emploient plus de 500 salariés.
  • Les autres sociétés dont le bilan est supérieur à100 M€ ou le montant net du chiffre d’affaires supérieur à 100 M€, et si par ailleurs elles emploient plus de 500 salariés.

Pour aller plus loin… Des leviers d’actions hors énergie

Le scope 3 apporte une vision de la répartition des émissions de CO₂ hors énergie. Son analyse vous permet d’identifier des pistes complémentaires de réduction des GES pour votre projet de décarbonation, par exemple en lien avec les matériaux et technologies utilisés, la provenance des matières premières, le transport en amont et en aval des marchandises, l’impact à l’utilisation des produits et services vendus, la gestion des déchets générés par les activités de l’entreprise, les déplacements de vos clients et collaborateurs, etc.

#2 - Réduisez votre empreinte carbone : les actions phares

Pour commencer, la réalisation d’un audit énergétique vous permettra d’identifier les actions d'économie d'énergie à fort potentiel. Plusieurs aides financières sont disponibles pour couvrir tout ou partie de l’investissement nécessaire afin de mettre en place les techniques, procédés et solutions préconisées.

Le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) complété par l’appel à projets « Industrie Zéro Fossile », lancé dans le cadre du plan d’investissement France 2030 opéré par l’ADEME, sont deux des solutions de financement auxquelles vous pouvez recourir.

 

Focus sur les actions de décarbonation les plus fréquemment identifiées dans l'industrie :

chaudière

La récupération de chaleur fatale

La récupération de chaleur fatale est une opération particulièrement prisée du fait de son efficacité et des économies qu’elle génère, la chaleur récupérée étant ensuite réutilisée pour les différents besoins de l'entreprise (chauffage, procédés, eau chaude sanitaire).

Elle permet ainsi d’éviter, entièrement ou en partie, le recours à une chaudière polluante et la dépense énergétique ainsi que les émissions de CO₂ qui en découlent.

Cette opération peut être mise en œuvre dans de nombreux secteurs industriels puisqu’il est possible de récupérer la chaleur fatale sur plusieurs équipements, par exemple sur un compresseur d’air ou sur un groupe de production de froid.

L’investissement nécessaire pour installer un système de récupération de chaleur fatale peut être couvert, en totalité ou en partie, via des financements par le Fonds chaleur et le dispositif CEE, ces deux aides étant potentiellement cumulables depuis août 2019. Depuis 2020, les sites soumis au système EU-ETS sont également éligibles à l’obtention d'une subvention CEE pour cette opération.

Brüggen étude de dimensionnement

L’usine de fabrication de céréales Brüggen utilise la chaleur fatale de ses groupes froids pour préchauffer son eau chaude sanitaire et chauffer ses locaux.

industrie

L’installation d’équipements plus performants

C’est également l’une des solutions majeures à exploiter, ces investissements se révélant rapidement rentables. La réalisation d’études énergétiques est nécessaire pour vous assurer du bon dimensionnement et de l’efficacité des nouveaux équipements, ainsi que de leur adéquation avec vos besoins. Ces équipements peuvent être assez variés : chaudières, brûleurs micro-modulants ou régénératifs, osmoseurs, etc.

gestion-batiment

La rénovation de bâtiments

La prise en compte en amont de l’enjeu de décarbonation lors de vos projets de rénovation de bâtiments vous permet d’optimiser votre rénovation pour consommer moins et mieux. Raccordement à un réseau de chaleur, amélioration de l’isolation, installation d’un système de Gestion Technique du Bâtiment (GTB) dont les technologies vous permettront d’assurer un pilotage intelligent de la ressource en énergie : ces solutions contribueront à réduire la consommation de vos bâtiments.

Décret tertiaire

Savez-vous que les bâtiments industriels peuvent également être soumis à l’obligation règlementaire Éco Énergie Tertiaire, ou décret tertiaire ? Si vous ne n’êtes pas sûr d’être concerné, notre quiz « décret tertiaire : êtes-vous assujetti aux obligations ? » vous apportera toutes les informations nécessaires.

expertise

La sensibilisation de vos équipes

Votre équipe vous apporte un avantage décisif, puisque c’est sur le terrain que les améliorations sont le plus facilement détectables.

Pour vous aider à actionner ce levier de performance, le parcours de formation PROREFEI vise à former les salariés en charge de la gestion de l’énergie, afin qu’ils puissent mettre en place des actions d’efficacité énergétique sur votre site.

Pour aller plus loin dans votre objectif de décarbonation, la mise en place d’un système de management de l’énergie (SMÉ) contribuera à structurer votre stratégie et à inscrire votre site dans une démarche écologique vertueuse, impliquant l’ensemble de vos collaborateurs. Ce système pourra également être certifié par la norme ISO 50001.

Castmetal FWF logo

Castmetal FWF, producteur de pièces en aciers faiblement alliés, a mis en place un système de management de l’énergie certifié ISO 50001.

#3 - Favorisez les énergies décarbonées

La décarbonation de vos sources d’énergie est un deuxième axe intéressant à envisager. Pour privilégier les énergies décarbonées, dont les renouvelables font partie, deux pistes sont à explorer :

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L’utilisation de nouvelles sources d’énergie

Cette pratique consiste à remplacer vos sources d’énergies fossiles par une énergie qui émet moins de GES, comme la biomasse, l’éolien ou le photovoltaïque. Les énergies renouvelables sont en plein essor :

  • La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse a pour objectif de développer la production de biomasse et d'augmenter son utilisation, tout en veillant à son usage raisonné.
  • La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ambitionne de développer les renouvelables, notamment l’éolien et le photovoltaïque, grâce à des investissements majeurs du gouvernement dans les territoires pour favoriser l’innovation et implanter les meilleures technologies disponibles.

En fonction de la cartographie énergétique du site concerné, une étude de faisabilité détermine son potentiel d’autoconsommation.

analyse

Le déploiement d’un programme de flexibilité électrique

Mettre la flexibilité de vos consommations électriques à disposition du réseau électrique vous permet de contribuer à son équilibre et, donc, d’éviter le recours à des centrales thermiques polluantes lors des pics de consommation.

Elle contribue également à favoriser le développement des renouvelables, puisqu’en cas de surplus de production d’origine renouvelable, votre flexibilité électrique pourra être activée à la hausse afin de profiter de cette énergie décarbonée.

La flexibilité électrique joue ainsi un rôle clé pour décarboner le mix énergétique français et assurer l’approvisionnement en électricité du réseau tout au long de l’année.

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L’Armoricaine de Fonderie le Châtelet (AFC), fonderie appartenant au groupe La Fonte Ardennaise, a choisi d'effacer la consommation électrique de ses fours de fusion lors des pics de tension sur le réseau électrique.

le point sur la réglementation autour de la décarbonation  

Le marché carbone européen

En 2005, l’Union européenne a instauré le premier système d’échange international de quotas d’émission [5] (SEQE-UE ou EU-ETS en anglais). Depuis la fin de l’année 2020, le prix de la tonne de carbone s’envole sur ce marché européen, avec un pic historique à 100,34 euros [6] atteint le 21 février 2023, alors que le prix de la tonne se négociait à moins de 30 euros jusqu’en décembre 2020. L’augmentation est conséquente et alourdit la contrainte sur les industriels soumis à ce dispositif. Cette tendance haussière semble devoir perdurer pour répondre à l’objectif ambitieux que s’est fixé l’Union européenne avec le paquet législatif Fit for 55.

Fit for 55 : vers une décarbonation massive de l'industrie

Avec l’entrée en vigueur en 2023 du paquet législatif « Fit for 55 » dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, l’Union européenne concrétise son ambition d’être le premier continent neutre en carbone. En s’appuyant sur l’instauration de ces nouvelles législations, l’Union européenne cible une réduction des émissions de 62 % pour 2030 (par rapport à 2005) dans les secteurs soumis au dispositif. Au cœur de ce nouveau paquet Climat : la refonte du marché carbone avec la modification de la directive EU-ETS.

Décarbonation industrie loi européenne

Pour les installations industrielles, Fit for 55 signe notamment la fin progressive des quotas gratuits pour certains secteurs (acier, ciment, aluminium, engrais, hydrogène) et des mesures en faveur des technologies bas carbone. À noter : la directive efficacité énergétique, révisée en 2023 dans le cadre de Fit for 55, impacte le secteur industriel en élargissant le périmètre des entreprises soumises à la réalisation d’un audit énergétique et à la mise en place d’un système de management de l’énergie (SMÉ).

Le secteur de l’aviation est également concerné par l’extinction progressive des quotas gratuits historiques d’ici à 2026, contrebalancée par l’introduction de quotas gratuits pour soutenir l’utilisation de carburants d’aviation durables.

Enfin, le transport maritime intègre le marché carbone pour les émissions générées au cours de trajets intra-européens et à hauteur de 50 % pour celles au périmètre mondial.

Engagez vos actions d'économies d'énergie

Avec des réglementations de plus en plus strictes en faveur de la décarbonation et le coût croissant de l’énergie qui peuvent grever votre compétitivité, il est donc urgent de mettre en place les mesures qui réduiront l’empreinte carbone de votre entreprise.

Du conseil aux solutions de financement, nos équipes vous accompagnent dans votre projet de décarbonation.

[1] Emissions de gaz à effet de serre en France : bilan officiel 1990 - 2020 ; https://www.citepa.org/fr/2021_06_a10/

[2] Chiffres clés du climat – France, Europe et Monde – édition 2021 ; https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-12/datalab_81_chiffres_cles_du_climat_edition_2021.pdf

[3] La stratégie nationale bas carbone (SNBC) en 10 points https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/18222_SNBC_10-points_A4_oct2020.pdf

[4] Shell et ExxonMobil fermement rappelés à l’ordre sur leur politique en faveur du climat ; https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/05/27/shell-et-exxonmobil-fermement-rappeles-a-l-ordre-sur-leur-politique-en-faveur-du-climat_6081679_3234.html

[5] Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) ; https://climate.ec.europa.eu/eu-action/eu-emissions-trading-system-eu-ets_fr

[6] https://ember-climate.org/data/data-tools/carbon-price-viewer/

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