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Mix énergétique : pourquoi la flexibilité est une alliée indispensable de la décarbonation

Décarbonation du mix énergétique : la flexibilité pour pallier l'intermittence et la variabilité des renouvelables

6 mai 2024

Les énergies fossiles représentent encore près de 50 % du bouquet énergétique primaire français et 60 % de la consommation d’énergie finale du pays. Pour répondre aux objectifs environnementaux que le gouvernement s’est fixés, la décarbonation du bouquet énergétique français est une étape obligatoire.

La sobriété et l’efficacité énergétique sont cruciales pour limiter la hauteur de la marche à franchir, mais l’électrification des usages sera également nécessaire pour assurer la transition énergétique. L’augmentation de la consommation d’électricité est par conséquent inéluctable en France dans les prochaines décennies.

Toutes les sources de production d’électricité bas carbone contribueront ainsi à répondre au besoin d’électricité, et en particulier les énergies renouvelables. La variabilité de leur production, combinée au fait qu’elles ne soient pas pilotables, soulèvent toutefois de nouvelles problématiques, rendant nécessaire le développement de sources de flexibilité, notamment la flexibilité de la demande. Celle-ci joue un rôle majeur dans cette transition, au bénéfice du consommateur flexible, du système électrique français et de la baisse des émissions de gaz à effet de serre !

Qu'est-ce que le mix énergétique ?

Le mix – ou « bouquet » - énergétique est la répartition des différentes énergies primaires, non encore transformées. Il s’agit des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon), du nucléaire, et, du côté des renouvelables, la biomasse, les énergies solaire, éolienne et hydraulique. Ces énergies primaires permettent de produire l’énergie finale que nous consommons sous forme d’électricité, de chaleur ou de carburant.

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Zoom sur le mix énergétique français

En France, la consommation d’énergie primaire s’est établie à 2 482 TWh pour l’année 2022. Le mix énergétique français était principalement composé d’énergies fossiles – pétrole, gaz naturel et charbon – à hauteur de près de 50 %, soit environ 1 210 TWh. Le nucléaire arrive en deuxième position avec une consommation se montant à près de 910 TWh, suivi des énergies renouvelables pour environ 365 TWh.

Le détail de la répartition de la consommation d’énergie primaire en 2022 :

  • Nucléaire : 37 %
  • Pétrole : 30 %
  • Gaz naturel : 15 %
  • Charbon : 3 %
  • Énergies renouvelables : 15 %
Mix énergétique consommation énergie primaire
Consommation d’énergie primaire en 2022

Les contraintes du mix énergétique français

Le bouquet énergétique français est aujourd’hui composé pour près de moitié d’énergies fossiles, en tête desquelles le pétrole, qui sont les principales sources d’émissions de CO2. De plus, la France importe la quasi-totalité de ces énergies fossiles qui servent à produire l’énergie finale que nous consommons pour nous déplacer, nous chauffer et faire fonctionner notre industrie.

Il est primordial de concilier nos besoins en énergie, indispensable à notre bien-être et au développement économique du pays, et la nécessaire transition énergétique. C’est pourquoi il nous faut réduire notre consommation d’énergie et transformer notre mix énergétique pour produire et consommer une énergie bas carbone.

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Panorama du mix énergétique final en france

En France, l’électricité consommée est déjà majoritairement décarbonée depuis le milieu des années 80 grâce au programme de développement du nucléaire. Cependant, elle ne représente qu’un quart de l’énergie consommée dans le pays contre près de 60% pour les énergies fossiles (dont ~40 % pour les produits pétroliers, ~20 % pour le gaz naturel et <1 % pour le charbon). Les énergies renouvelables (EnR) thermiques et les déchets pour la production de chaleur complètent le mix énergétique final français.

  • Énergies renouvelables thermiques (bois, solaire, pompes à chaleur, etc.) : 12 %
  • Chaleur commercialisée : 3 %
  • Produits pétroliers : 39 %
  • Gaz naturel : 18 %
  • Charbon : 1 %
  • Électricité : 27 %
Mix énergétique finale france
Consommation d'énergie finale en 2022

En France, des objectifs de décarbonation ambitieux

Les objectifs de la France et de l’Union européenne (UE) en matière de décarbonation sont ambitieux. Ils ont récemment été relevés d’un cran avec l’adoption du paquet « fit for 55 », ou « paquet Climat », en mars 2023 qui vise une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE en 2030, par rapport à 1990. C’est peu dire qu’il s’agit d’une véritable révolution alors que ces émissions n’ont diminué que d’une vingtaine de pourcents entre 1990 et 2018.

Comment la France peut-elle décarboner son mix énergétique ?

Il apparaît comme essentiel pour la France de cibler en priorité ses sources de consommation d’énergie fossile (pétrole, gaz et charbon) afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. La principale piste pour atteindre cet objectif est d’électrifier les usages. Cette solution a pour double avantage de décarboner l’énergie consommée tout en augmentant bien souvent l’efficacité énergétique de l’usage. C’est notamment le cas des transports et du chauffage, les deux premiers consommateurs d’énergie fossile, qui peuvent être électrifiés grâce au passage aux véhicules électriques pour l’un, et aux pompes à chaleur pour l’autre, tout en réduisant la consommation d’énergie d’un facteur 3 grâce à la grande efficacité de ces équipements.

C’est également une des pistes préconisées par RTE, le gestionnaire français du réseau de transport d’électricité, dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 ».

Consommation énergie finale France
Evolution de la consommation d’énergie finale en France entre 2023 et 2035

Source : RTE

Qui dit électrification des usages, dit augmentation de la consommation électrique qu’il sera nécessaire d’accompagner côté production avec un développement de l’offre décarbonée pour que l’électricité française reste un vecteur d’énergie bas carbone.

Augmenter la production d’électricité décarbonée

Pour respecter ses objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre et se conformer à la réglementation européenne, la France devra augmenter fortement sa production d’électricité décarbonée dans les prochaines décennies.

Le mix électrique français est déjà très largement issu de sources bas carbone (à plus de 90 % si l’on omet l’année 2022 marquée par la faible disponibilité du parc nucléaire) grâce aux deux principales sources d’électricité décarbonée dans le pays et dans le monde : le nucléaire et les énergies d’origine renouvelable, composés notamment de l’hydraulique, de l’éolien, du photovoltaïque, et, dans une moindre mesure, des bioénergies.

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Panorama du mix électrique français

En 2023, la France a produit 494,3 TWh d’électricité, dont 320,4 TWh d’électricité nucléaire - principale source d’énergie décarbonée en France - soit 65 % de la production d’électricité totale. Elle est suivie par l’hydraulique (~59 TWh), l’éolien (~51 TWh), le solaire (~22 TWh) et la production thermique renouvelable (~10 TWh). Quant à la production thermique fossile, elle s’est élevée à près de 33 TWh, son plus bas niveau depuis 2014.

  • Hydraulique : 12 %
  • Solaire : 4 %
  • Éolien : 10 %
  • Thermique fossile : 7 %
  • Thermique renouvelable et déchets : 2 %
  • Nucléaire : 65 %
Mix électrique france
Production électrique en 2023

Source : Bilan électrique France 2023 de RTE

Cependant, la part actuelle de la production de ces énergies bas carbone n’est pas représentative des augmentations possibles de production d’ici à 2035.

En effet, le développement et la construction de nouveaux réacteurs nucléaires sont des processus longs. Ainsi, malgré les annonces gouvernementales, aucun nouveau réacteur n’entrera en service avant 2035, à l’exception de l’EPR (réacteur pressurisé européen) de Flamanville. Au niveau de la production nucléaire, l’objectif pour la prochaine décennie est de maximiser la production des réacteurs en service en limitant au maximum les périodes d’indisponibilité (à la charge de l’exploitant), mais également les périodes sans débouchés pour la production, c’est-à-dire les périodes où la production électrique est abondante et ne peut être consommée intégralement.

Du côté de l’hydraulique, des améliorations peuvent être apportées pour augmenter la production existante et la discussion est ouverte autour de la construction éventuelle de nouveaux barrages, mais le gisement reste limité. Le développement de la production hydraulique devrait rester marginal par rapport à l’augmentation de la consommation électrique attendue.

Le constat est identique pour la production d’électricité par les bioénergies qui ne devrait pas beaucoup progresser, le gisement étant restreint et déjà exploité par ailleurs en dehors de la production d’électricité.

La solution pour répondre à la forte hausse de la consommation d’électricité est à chercher du côté du duo éolien/solaire photovoltaïque. Fort heureusement, le gisement pour ces deux énergies en France est bien supérieur au besoin, et le coût de production de ces filières, qui a fortement diminué ces dernières décennies, est aujourd’hui très compétitif. L’éolien et le solaire fourniront très probablement la majorité de l’effort d’augmentation de la production d’électricité bas carbone d’ici à 2035. RTE table sur une production, toutes filières renouvelables confondues, comprise entre 270 et 320 TWh en 2035, contre 120 TWh aujourd’hui (dont environ 60 TWh d’hydraulique) !

production d'électricité décarbonée
Production d'électricité décarbonée entre 2020 et 2022 et projection du scénario central de RTE entre 2023 et 2035 permettant de répondre à la hausse de consommation

Source : RTE - bilan 2035

Toutefois, la non-pilotabilité de la production de l’éolien et du solaire soulève une problématique majeure pour la gestion du système électrique. Ainsi, augmenter leurs parts respectives dans le mix électrique français requiert de se doter en parallèle de solutions de flexibilité pour compenser la production intermittente de ces sources d’énergie.

La flexibilité : une alliée de choix pour gérer un système électrique à la production non pilotable

Historiquement, la flexibilité du système électrique provenait d’un ajustement de la production pour répondre à un niveau de demande donné. L’arrêt progressif des centrales thermiques fossiles et l’ajout de centrales EnR non pilotables changent la donne : de nouvelles sources de flexibilité doivent être trouvées.

La bonne nouvelle, c’est que ces nouvelles sources de flexibilité existent déjà ! Les batteries, qui se développent massivement en Europe et à travers le monde, en sont la preuve. Cependant, leurs coûts et l’utilisation de matières premières rares et indispensables à d’autres pans de la transition énergétique incitent au développement d’alternatives, dont la flexibilité de la demande en est la principale.

La flexibilité de la demande correspond à la capacité des consommateurs à ajuster leurs consommations en fonction de la tension du système électrique.

Flexibilité électrique décarbonation

En ajustant à la hausse (« flexibilité à la hausse ») ou à la baisse (« effacement électrique ») les consommations d’électricité flexibles selon le besoin du système électrique, la flexibilité de la demande permet de limiter :

  • les périodes de pénurie d’électricité décarbonée, donc les besoins de stockage ou l’utilisation de centrales thermiques très polluantes ;
  • les périodes de surplus de production décarbonée, donc les pertes de production décarbonée, diminuant ainsi le coût de production de ces centrales.

Elle joue déjà un rôle important pour la gestion du système électrique en apportant la source de flexibilité à court terme nécessaire au maintien permanent de l’équilibre entre l’offre et la demande. Avec la croissance des énergies renouvelables, son rôle deviendra crucial dans la prochaine décennie.

[Parole d'expert] 
La flexibilité électrique : une clé de la décarbonation du mix énergétique

Justin Reboah, expert en flexibilité des consommations électriques, nous explique comment la flexibilité électrique sert à décarboner le mix énergétique français, ainsi que les intérêts à s’engager dans cette démarche.

La flexibilité de la demande apporte un double gain pour le système électrique :  financier et environnemental

Le développement de la filière des énergies de source renouvelable et la hausse de la consommation d’électricité sont nécessaires et souhaitables. Toutefois, ce développement devra devront s’accompagner d’efforts importants d’efficacité énergétique (chasse au gaspillage, rénovation des bâtiments, installation d’équipements performants, sensibilisation aux économies d’énergie, etc.) et de sobriété (report modal vers le transport ferroviaire et dans une autre échelle les transports en commun et le vélo, baisse de la température du chauffage, etc.) pour permettre à l’offre de production décarbonée de suivre. Offre de production qui devra également répondre aux nouveaux besoins créés par la relocalisation industrielle et la volonté française et européenne de renforcer leur souveraineté énergétique.

Face à l’accélération de la crise climatique, la sobriété et la flexibilité de nos systèmes électriques deviennent un enjeu majeur pas uniquement à l’approche de l’hiver.

Emmanuelle WARGON
Présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)
Rapport de la CRE sur le pilotage des bâtiments, septembre 2023

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